VISITE AU COUVENT

 

 

« Mé quo qu’euj’ fais ichi ! Jé dû m’indormi au volant. »

C’est ce que dit Maxime HALLE en se réveillant, relevant sa tête appuyée sur le volant de sa voiture. Péniblement, il sort du véhicule, il a un peu mal partout, le choc a été rude. Pourtant il ne roulait pas vite dans ce chemin de traverse. Il regarde son véhicule. Celui-ci s’est jeté la tête la première, si l’on peut dire, dans un fossé qui bordait la route. Il regarde autour de lui, une brume légère enveloppe le paysage. Il distingue à quelques mètres une porte cochère, il s’approche et lit une inscription : « Couvent des Pauvres Dames »

« J’sus ci bin tombé. J’espère qu’y a quéqu’un là-d’dins et qu’y pourra m’aidié. Mais commint qu’j’ai fait pou mi arriver là ? » Se pose-t-il la question.

Il allume une cigarette, regarde l’heure. « Chonq heures du matin ; J’ vais chi  attinte un tiot peu ».

Et il marche le long de la bâtisse et se ramintuve les évènements de ces jours derniers. Une bonne chose, il n’a pas perdu la mémoire.

Il se souvient être parti de son domicile dans le Nord, la semaine dernière, pour rejoindre des amis installés dans un camping en Ardèche près de Ruoms, en cette fin de juillet. Il a passé deux jours avec ses amis. Ceux-ci avaient

 

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virage. Un coup de frein! Il braqua mais sentit qu’il se retrouvait sur le macadam. Il accéléra un peu trop vite peut-être et d’un coup, d’un seul, plus rien. Son véhicule s’est dirigé dans le fossé. Il fut ballotté et se cogna la tempe sur la vitre et le front sur le volant ou le tableau de bord. La ceinture ne fut d’aucune utilité, pas plus que l’airbag d’ailleurs.

 

 

Il avait terminé sa cigarette, il écrasa le mégot et chercha des yeux une sonnette. Il n’en vit pas ! Il leva les yeux et fut surpris par la taille de la porte, et surtout qu’aucun système d’ouverture n’était apparent. Il contempla les murs, qui lui paraissaient gigantesques, construits en pierres du pays. Ils faisaient bien quatre mètres de haut. Il pensa bien faire le tour de la Bâtisse, mais dans la brume il n’en voyait la fin. Finalement il ramassa une pierre qui traînait et cogna à coups redoublés contre la porte. Au bout de quelques instants il fut récompensé de ses efforts, il entendit du bruit derrière la porte. Puis celle-ci s’ouvrit. Elle était énorme et très lourde, toutes en bois. Elle devait bien faire son pesant de bois. Une jeune nonne apparue dans l’entrebâillement. Il avança, fit quelques pas et, se retournant sur le coté, vit une autre sœur qui en manœuvrait l’ouverture.

Puis, m’adressant à la jeune nonne :

- Bonjour !

 

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- Bonjour !

- Où sommes-nous ?

- Vous ne le savez pas ?

- Bin non !

- Pourquoi avez-vous frappé à la porte ?

- Je suis en panne avec ma voiture. Dans le brouillard, je suis tombé dans le fossé.

- C’est bien la première fois que ça arrive. Je vais vous conduire à la Mère Supérieure.

- Bien ! Bonjour ma Sœur ! S’adressant à l’autre Sœur qui s’activait à refermer la lourde porte.

- C’est Sœur Gertrude. Et moi Sœur Angélique. Je suis encore novice, je présente mes vœux dans trois mois.

Ceci dit, la porte rebouche l’entrée et Sœur Angélique laisse retomber l’épar qui clôt ainsi l’entrée.

- Suivez-moi !

Je la suis donc, suivi de Sœur Gertrude, et ne peux m’empêcher de penser : « Elle doit bien avoir une vingtaine d’années et, de dos, semble aussi bien faite que de face ». Elle tourne, de temps à autre, sa tête vers moi pour voir si je la suis toujours et son visage et son sourire sont aussi jolis que son nom. Nous dirigeant vers ce qui semble être l’entrée de ce cloître, nous traversons une cour pavée. Au beau milieu, un tertre, lui aussi pavé,  où pousse de l’herbe entre les joints qui semblent plus larges

 

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deux cordes au pare-chocs de mon véhicule. Je leur propose de les fixer plutôt en dessous à quelque chose de plus costaud, car le pare-chocs risque de partir et la voiture rester là. Et les voilà, allongées à même le sol afin de trouver un point d’accrochage. Elles se relèvent satisfaites. Elles saisissent chacune une encolure et font reculer les chevaux. Mon Scénic commence à quitter le fossé. Je regarde l’avant. Quelle tristesse ! Le côté droit défoncé, l’optique mort, une roue crevée. J’espère que le cardan n’a rien pris.

Je veux monter dans le véhicule et Sœur Mathilde s’interpose.

- Laissez ! On s’occupe de tout.

- Bien ! Dis-je avec étonnement.

Elles détachent les chevaux, les ramènent à l’avant, les rattachent et emmènent le Scénic dans la grange. Les chevaux regagnent leur écurie et Sœur Mathilde, la plus forte, soulève la voiture pendant que Sœur Cyrielle place un billot de bois en place de cric qu’elles n’ont même pas cherché.

Je leur fais alors remarquer :

- Il y a une roue de secours dans le coffre.

- Sortez-la donc !

J’ouvre le coffre, sors mes cartons de pyjamas et ensuite ma roue et ma clé en étoile.

 

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- C’est plus simple pour dévisser les écrous. La leur montrant.

Sœur Mathilde saisit la clé et procède au démontage de la roue. Sœur Cyrielle équipée d’un marteau et d’un poinçon s’attaque alors à l’aile afin de la redresser. Le pare-chocs en plastique dur quant à lui s’était cassé net, après l’attache à l’aile,  qui s’était tordue. Après l’avoir redressé celle-ci assure :

- Avec quelques vis, il sera comme neuf, mais pour le phare, on peut rien faire.

- C’est pas grave, ça ira. Le principal c’est que l’ampoule fonctionne, on verra ça après. Vérifiez que le cardan est encore en bon état.

Sœur Mathilde saisit la flasque par les boulons et commence à l’alloter dans tous les sens. Aucun craquement, je respire.

- Impeccable ! Il est encore comme neuf !

Elle replace la roue de secours, la fixe, resoulève la voiture et fait enlever le billot.

- Voilà le travail ! Me fait-elle en se frottant les mains.

Alors que je vais pour ranger la roue crevée et la clé, j’entends Mère Thérèse qui me dit :

- Qu’est-ce que vous transportez dans vos cartons ?

Je ne pouvais nier ou inventer, ceux-ci n’étaient pas

 

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basse, écartée, serrée. Je me croyais au Paradis où il se tenait un bal car avec leur mouvement les seins  (saints) donnaient l’impression de danser que pour moi « Oh, là là! Mais qu’est-ce que je fais là! ». Je ne vous parlerai pas des ventres et de leur sexe, là, tout est question de leur âge, de leur taille, de leurs poids à ces sœurs. J’en viens à penser à Charles Gadenne avec sa sculpture des cinq femmes nues de la ‘‘Conversation’’.

 

Puis Mère Thérèse appelle Sœur Mathilde et Sœur Cyrielle, les deux plus fortes, elles se déshabillent à leur tour. Je pense qu’elles n’arriveront jamais à enfiler le pyjama. Et bien si ! Quoique un peu gênées aux entournures.

Je risque un :

- Vous devriez en prendre un deuxième et avec un peu de couture, rallonger la taille de la chemise et le côté des hanche. Sachant bien qu’il ne me restera que des petites tailles.

- C’est gentil à vous, me confit en souriant Mère Thérèse.

C’est à vous Sœur Gertrude et à Sœur Yvette.

Les deux sœurs s’exécutent à leur tour.

- Maintenant, à vous Sœur Angélique.

     Et celle-ci, sans aucune retenue, vu son jeune âge, sans

 

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Alors, qu’est-ce qu’il se passe ?

- Nous sommes samedi midi. Vous avez dormi 3 heures d’affilées en marmonnant des propos incompréhensibles mais qui nous ont obligés à informer les autorités.

- Quels propos ?

- Je ne peux vous en dire plus. Attendons le retour du médecin.

- A quelle heure on mange ici ? J’ai déjeuné à 5h30 et je commence à avoir la dalle. Ça grouille de l’intérieur.

- Vous aurez un repas après la visite du docteur et des autorités. Soyez sans crainte, on vous ne laissera pas mourir de faim.

Pendant ce temps, dans le bureau du médecin, la discussion va bon train.

- Qu’en pensez-vous ? Demande le médecin.

- Il déraisonne certainement. Mais comment peut-il connaître le couvent et les sœurs ? Avance l’Abbé.

- Moi je pense qu’il a dû se renseigner sur le coin et venait visiter le couvent, puisqu’il est en vacances . Dit le Maire, avec une légère moue.

- Mais il n’y a rien à voir depuis belle lurette! Contredit le gendarme.

- Monsieur l’ curé, vous devriez faire des recherches sur les occupantes de ce couvent pour savoir si ces sœurs ont existé ou si elles sont le fruit de son imagination. Invite alors le Maire.C:\Users\OMC\Desktop\Documents\Site internet\ED.OLIVIERY\extrait\visiteaucouvent.htm

 

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- C’est déjà fait ! J’ai prévenu l’archevêché. Il va m’envoyer un évêque, s’il confirme ce qu’il a dit en pleine possession de ses moyens.

- Je suis trop jeune pour connaître ce couvent, mais je peux demander au Commandement s’ils ont des archives sur le couvent. Annonce le Major de gendarmerie.

- Moi, dit le Maire, je ne sais que ce que m’ont dit mes grands-parents : « Les bonnes sœurs ont disparu un beau jour, sans tambour ni trompette ! ».

- Allons, restons courtois, précise l’Abbé. Ce sont des ouailles de Dieu, quand même !

- Excusez-moi, mon Père ! Mais dans l’élan.

- Bon ! Qu’est-ce que je fais de mon patient ? Demande le docteur.

- Je propose qu’on le laisse se retaper, avance le Major. En fin d’après-midi, on lui demande de nous raconter son histoire dans plus de détails. D’ici là, Monsieur l’abbé, vous faites venir l’évêque. J’espère, quant à moi, avoir un rapport dans les archives. Et vous, Monsieur le Maire, ramenez quelqu’un parmi les anciens de votre commune ou d’à côté ayant connu le couvent avant sa fermeture.

Puis on avisera.

- Très bonne idée ! Et encore une grosse journée en perspective. Relance le Maire.

À la suite de quoi le docteur revient voir Maxime HALLE.

 

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à suivre