Une vie trop simple

 

Au moment où il fut commis, le meurtre de M. Philippe Deschamps apparut aux yeux de tous comme une affaire très simple. L’inspecteur Jean Sekekchoz avait réuni contre lui des charges très lourdes, et son mobile semblant évident, Benoît, le fils aîné du défunt fut mis en garde à vue et transférer devant le juge d’instruction. Il n’échapperait pas à la prison à vie.

Pourtant, il ne niait pas sa culpabilité mais se fendait d’une violente colère comme s’il se trouvait face à une intolérable injustice. Pour l’inspecteur, un meurtre n’est généralement pas aussi simple qu’on cherche à le faire paraître et celui-ci était extrêmement complexe.

 

Le jour du meurtre, M. Philippe Deschamps et son fils Benoît étaient assis sous la véranda de leur ferme. Il faisait beau et très chaud. Ils sirotaient une bière fraîche.

- Il faut absolument que nous sortions de cette impasse, mon garçon, disait le vieillard.

C’est notre orgueil qui est en jeu.

De son fauteuil roulant, suite à un accident et à l’âge, il ne pouvait plus se déplacer comme avant, il regardait, ses champs  de blé, d’escourgeon, de mais,

 

 

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de betteraves et autres céréales qui s’étendaient à perte de vue, à ne plus voir les premières maisons du village voisin. Benoît observait d’un air maussade l’objet de leur conversation. Barbara, qui rentrait d’une promenade à cheval. La silhouette souple et élancée de la jeune femme était cependant fort agréable à regarder, tandis qu’elle mettait pied à terre et confiait la bride de sa monture à un vieil ouvrier agricole :

- Elle semble incorruptible, papa ! Remarqua Benoît ! Nous n’arriverons jamais à nos fins.

M. Philippe Deschamps étendit la main pour prendre un cigare.

- C’est une question d’argent, affirma-t-il. Je sais comment faire entendre raison à ce genre de fille !

Benoît, sceptique, continuait à regarder la femme tant convoitée de son frère, qui se dirigeait d’une démarche pleine de séduction, vers la piscine. Il saisit, d’une main qui tremblait  son demi de bière. Irritable, sujet à de violents accès de colère quand on lui refusait ce qu’il voulait, il était obsédé depuis des mois par sa belle-sœur, qui persistait à repousser ses avances. Il avait peine à croire qu’elle fut la femme de Richard, et elle lui semblait de plus en plus désirable. Il semblait avoir épuisé tous les tours de son sac. Plus il pensait à Barbara, plus il se convainquait que, sous des dehors froids et hautains, elle cachait un tempérament de feu. Benoît n’avait jamais eu de goût

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