N°2

 

HECTOR MELON D’AUBIER

 

 

NOUVELLES

L’ENFANT TROUVE

L’AUTRE, dans…

 

 

 

 

 

 

 

RECUEIL de NOUVELLES

 

L’ENFANT TROUVE

L’AUTRE, dans la maison d’à coté

UNE VIE EN BLEU

MORT SUSPECTE

BIN MI, EUCH’SE PAS, HIN!

MORT DE LA PETITE SOURIS

LE SAFARI

LA VACHE QUI RIT

TOUS LES CHATS SONT GRIS

LA BALANCOIRE

L’HOMME …

 

Par

HECTOR MELON D’AUBIER

 

 

 

 

 

L’ HOMME…

 

Hector MAUBIER rêvait depuis sa plus tendre enfance de faire du cinéma. Mais pas n'importe quel cinéma!

Il aurait voulu être metteur en scène. Réalisateur.

Il s'intéressait davantage au montage des films qu'à leur histoire. Dés l'âge de seize ans, Hector MAUBIER a fréquenté, quand il le pouvait, les lieux cinématographiques de la région. Chose peut compatible avec les études auxquelles ses parents le destinaient.

Ceux-ci finirent par vaincre sa raison et son obstination. Il ne fut pas réalisateur de cinéma, mais cela ne l'empêcha nullement de faire un film de chaque évènement de sa vie. Tel celui-ci :L’homme regarde par la fenêtre. Dehors, le temps est bien triste. Il pleut depuis la veille, en fin d’après-midi. La pluie a cessé depuis un petit quart d’heure, et en ce matin de novembre, le temps est glacial.

Il fait froid dans la pièce ; la peinture des murs, le choix

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du carrelage sur le sol, les meubles ne sont pas propices à réchauffer l’atmosphère.

L’homme réprime un frisson. Son regard terne fait le tour de la pièce, court sur les murs blancs, sur le mobilier chromé à la mode. Une parfaite harmonie froide, symbole de pureté, qui le rassurera et l’apaisera lorsque le sang ne manquera pas de couler.

Il faut vraiment être malade ou fou, pour prendre du plaisir à ce qu’il a pris l’habitude de faire. Pourtant aujourd’hui, il ne ressent aucun plaisir ; au contraire, il éprouve un besoin de réconfort, que nul ne peut lui apporter, avant de passer à l’acte.

L’homme est hésitant, fatigué, peut-être. Il ressent une énorme lassitude qui le ronge chaque jour. Il devient certainement trop vieux pour ce type de travail !

Tant pis si on le voit, il se verse une tasse de café chaud qu’il boit lentement, pensif, son regard soudain posé sur la jeune femme, allongée, immobile, endormie.

Il se rapproche d’elle. Elle est étendue devant lui. Le corps dénudé. Il la contemple longuement. Le visage serein, les traits paisibles, elle n’a aucune conscience de ce qu’il va

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lui faire subir. Il s’avance encore, pour être plus prés. Il l’a vue pour la première fois, hier, en fin d’après-midi. Il y a pensé toute la nuit.

Comme les autres, d’ailleurs ….

Combien de ces êtres fragiles et graciles lui feront passer de nuits blanches ?

Elle ! Il ignore son nom et même son prénom, son identité également, mais il s’en moque. Elle est juste un visage, un corps.

Demain, il l’aura oubliée.

Comme les autres…

Pourtant ! Fait inhabituel pour lui, l’homme se surprend à un geste insensé, presque tendre, teinté de compassion. Avec son index gauche, il joue machinalement avec une boucle des cheveux de l’endormie. Son doigt se trouve ainsi prisonnier d’un lien plus fort que la soie. Auquel il ne songe à se soustraite. Sinon que …

Que penserait-on de lui, si quelqu’un le voyait en ces instants ?

A cette pensée soudaine, il recule comme s’il avait peur d’être surpris. Lui, si froid, si blasé de tout, cynique parfois.

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Mais … Il n’y a aucun risque d’être surpris. Il le sait bien. En ce début de week-end, il est toujours seul dans cet immeuble vide.

Son brusque mouvement a pour effet de découvrir l’oreille de la jeune femme. Délicate, fine, émouvante même. Il ne peut alors s’empêcher de retirer sa main et de la ranger dans sa poche comme si quelque chose l’avait brûlé ou mordu.

Mais pas question de se laisser attendrir, si belle soit elle. Ne surtout pas s’attacher. C’est une règle primordiale. L’homme soupire une énième fois que la vie n’est pas juste ; mais tant pis ! Il est payé pour un rituel macabre. Il va y satisfaire comme à l’habitude, sans trop se poser de questions, sans remords aucuns, sans problème de conscience. Il est là pour ça.

Il sait que c’est nécessaire et ne s’en vante jamais. Il ne désire pas voir la frayeur, l’horreur, la répulsion dans les yeux des autres.

Puis il recule sur la pointe des pieds, geste inutile. Il sait bien qu’elle ne se réveillera pas. Il glisse silencieusement

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sur le carrelage impeccablement lavé ; fasciné et incapable de détourner son regard de ce corps magnifique, offert à lui, immobile.

Des femmes , il en a connu ; des plus jeunes, des plus âgées. Toutes allongées, offertes comme celle-ci, incapable de réagir à ce qu’elles vont subir.

L’homme se décide enfin, inspire profondément, enfile une paire de gants, saisit ensuite sa lame d’une main ferme, revient vers la jeune femme.

De nouveau, il se sent troublé par le grain si fin de la peau. Il frôle son bras. Son regard de nouveau s’égare. Une pensée lui survient.

<< La vieillesse ne pourra l’humilier celle là ! >>

L’homme ne supporte pas la vieillesse, il sait bien qu’on y arrive tous un jour, pour la plus part d’entre nous. Mais il en veut beaucoup à cette jeunesse qui se croit immortelle et prend tous les risques possibles pour s’affirmer et s’identifier, et finissent par se mettre dans des situations insensées.

Pourquoi hantent-elles donc les lieux déserts, le soir ?

Au risque de rencontrer une pagaille de détraqués.

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A suivre