LES HARPIES HECTOR MELON D’AUBIER
LES HARPIES Définitions : Harpies : Monstres ailés à visage de femme accoutré d’un
bec crochu et au corps d’oiseau de proie et dégageant une odeur infecte et
nauséabonde qui donne la nausée aux créatures vivantes. Les Grée : sœurs des Gorgones, 3 vieilles femmes sans
yeux qui n’ont qu’un seul œil pour elles
trois. Furies : Êtres venant des enfers et y emmenant les
créatures humaines. L’histoire que je vais
vous conter s’est déroulée, dans mon imagination, dans la ville de Caudry,
dans le Nord ; un certain jeudi du mois de juillet 2005. Il faisait, ce jour-là, un
temps splendide. La chaleur pour une fois n’était pas suffocante et la météo
n’annonçait pas de pluie avant plusieurs jours, voire des semaines. Je me trouvais avec mes
amis de l’association Caudry d’hier et d’Aujourd’hui, en permanence, à
l’exposition que nous tenions concernant « les postiers du rail ».
Très belle exposition comme les autres d’ailleurs qui ne demandent qu’à être
vues. Les fenêtres de la salle
étaient à demi entr’ouvertes, ne laissant qu’une petite ouverture par
laquelle un léger courant d’air venait aérer la salle. Une vingtaine de personnes
occupait la salle, les unes regardant les objets, en l’occurrence des wagons
postaux, les autres des panneaux sur lesquels se trouvaient accrochées nombre
d’affichettes relatant le travail des postiers, et d’autres encore les
explications d’un ancien facteur du rail. 155 Vers 16 heures, des coups
dans les deux premières fenêtres qui donnent sur le toit de la salle des fêtes, firent se retourner tout le
monde, le regard dirigé vers les dites fenêtres et vers les autres par la
même occasion où il ne se passait rien. Deux bestioles affreuses
donnaient des coups d’ailes et de bec dans la vitre et tentaient par la suite
de passer leur tête par l’entrebâillement. Quelle peur ! Elles
hurlaient de plus belle si on approchait. Certaines personnes, les plus
courageuses sans doute, non paralysées par la peur prirent la décision de
quitter les lieux. Les responsables que nous étions, ont décidé de rester
pour tenter de refermer les fenêtres, éteindre les lumières et partir
ensuite. Quelques minutes plus
tard, on vit revenir nos visiteurs. - Pourquoi
revenez-vous ? - Elles sont en bas à
la porte, on ne peut pas sortir. Et regardez par la fenêtre du couloir, des
gens sont morts, allongés à même le sol. Notre président Aimé qui
se trouvait parmi nous, prit la décision d’évacuer par l’arrière, l’issue de
secours donnant sur une autre rue. Les lumières bien
qu’éteintes, les bestioles s’agrippaient toujours aux fenêtres. L’une d’elles
avait même réussi à passer sa tête. Une tête de femme avec un bec crochu qui
hurlait tant qu’elle pouvait. Elle avait le corps d’un oiseau avec des ailes
pour bras et de petites jambes et elle
était dotée d’une poitrine comme une femme. Dans le brouhaha, le
président avait du mal à se faire entendre. Finalement après quelques
haussements de voix, le silence qu’il réclamait survînt enfin, bien
qu’entrecoupé de petits sanglotements dûs
à la peur pour certaines. - Je vais descendre,
par la sortie de secours, avec Julien pour voir comment ça se passe de ce côté. Si tout va bien, vous
descendrez doucement, l’escalier est assez raide et vous pourrez partir là où
il n’y aura pas de danger. Quelques secondes ou
minutes plus tard, quelqu’un décréta : 156 - On peut y aller ! Là où nous étions, les bestioles
ne pouvaient nous voir. Ce qui eut pour effet de les calmer mais elles
étaient toujours accrochées aux fenêtres. Je m’étais chargé de
fermer la marche. Alors que la dernière personne s’apprêtait à descendre,
j’entendis une porte claquer Je me retournai et je vis une jeune fille, Laura
de son prénom, tétanisée à la porte d’entrée de l’Espace de Vie : elle
criait de l’attendre. Et ce fut de nouveau la cacophonie des bestioles. Je décidai d’aller à sa rencontre,
ce qui me permit de voir que cette chose mi-femme mi-oiseau avait passé son
corps et ses pattes, ne restait que ses ailes et sa tête. La hargne fit sans
doute qu’elle put s’amincir. J’étais près de Laura. Il
me fallait la traîner vite fait si on ne voulait pas se faire dévorer. Alors
que je la tirais et l’entraînais derrière le comptoir ancien qui équipe un
coin de la salle, l’animal, d’un claquement d’ailes, se posait sur un meuble
à trois mètres de nous, suivi de la deuxième ; une odeur nauséabonde
envahit alors les lieux. Nous étions perdus. Un étrange dilemme m’assaillait.
Si on reste là tous les deux, elles nous dévoreront. Si je fuis assez vite,
elles dévoreront Laura. Si elle fuit elle ne saura où aller, elle n’a pas vu
la sortie de secours, et se fera dévorer et moi ensuite. Etrangement, les bestioles
ne bougeaient plus, elles attendaient quoi ? Que nous sortions !
Donc nous étions provisoirement à l’abri. Prudent, je saisis le
téléphone et tentai de joindre mon amie Angélique, secrétaire à la Maison des
Associations. Je lui expliquai le problème en lui mentionnant que les
bestioles pouvaient être des « Harpies » et qu’elle cherche
sur Internet ce qui les caractérisait sur leur présence ici, à Caudry, sur la
place des Mantilles par surcroît. Les harpies nous
surveillaient toujours, elles savaient que nous étions là et ne bougeaient
pas, sauf quand le téléphone se 157 mit à sonner. Elles se remirent à hurler, à battre
des ailes sans quitter leur perchoir. Laura restait prostrée, cachée sous la
table, tenant des propos incompréhensibles, elle avait très peur et je ne
savais comment la consoler. C’était Angélique qui me
confirmait qu’il s’agissait bien
d’Harpies et que leur rayon d’action est long de cinq à six mètres à partir
de leur chef. Voilà pourquoi elles ne bronchaient plus. Elles ne faisaient
qu’attendre. Je sortis Laura de sa
torpeur et lui expliquai que nous n’avions rien à craindre : nous ne
courrions aucun danger si on restait éloignés d’elles. Qu’il nous fallait
partir tout doucement vers l’issue de secours et sortir de cette antichambre
de l’Enfer. Lentement mais sûrement,
nous atteignîmes l’issue de secours sous les bruissements d’ailes et quelques
braillements. Nous rejoignîmes Julien qui m’attendait en bas pour fermer la
porte. J’entrepris de lui expliquer alors qu’il n’y avait aucun danger pour
aller fermer toutes les issues de notre salle d’expo. Il suffisait de se
tenir à distance. Je confiai Laura à des personnes compatissantes qui
attendaient avec Julien puis nous repartîmes vers l’entrée principale. Une
harpie attendait, juchée sur un véhicule en stationnement. Elle poussa des
cris et fut rejointe par deux autres congénères mais elles restaient à
distance, ce qui n’empêchait pas d’exhaler leur odeur désagréable. On put ainsi
refermer toutes les issues et rejoindre ensuite la foule qui s’agglutinait
sur le parking, tenue à distance par des gendarmes casqués, et armés au cas
où, ainsi que des pompiers en tenue d’intervention. Le Maire Guy Bricout et ses adjoints tentaient de
calmer ces gens et donner des explications qu’ils n’avaient pas. Je le pris
en aparté et lui rapportai ce que je savais. Ne pas s’approcher à moins de
six mètres. Après discussion avec le Commandant de Gendarmerie, le cordon
pompiers-gendarmes put avancer de quelques mètres. Le maire se trouvait
confronté à deux problèmes, celui des harpies et derrière lui la foule qui
voulait en découdre, en les tuant par fusil interposé. Car l’odeur se
ressentait de plus belle et nombre de gens rendaient leur dernier repas. A SUIVRE |