N°2

 

HECTOR MELON D’AUBIER

 

 

NOUVELLES

L’ENFANT TROUVE

L’AUTRE, dans…

 

 

 

 

 

 

RECUEIL de NOUVELLES

 

L’ENFANT TROUVE

L’AUTRE, dans la maison d’à coté

UNE VIE EN BLEU

MORT SUSPECTE

BIN MI, EUCH’SE PAS, HIN!

MORT DE LA PETITE SOURIS

LE SAFARI

LA VACHE QUI RIT

TOUS LES CHATS SONT GRIS

LA BALANCOIRE

L’HOMME …

 

Par

HECTOR MELON D’AUBIER

 

 

 

 

 

 

BIN MI, EUCH' SE

PAS, HIN !

 

 

 

 

HECTOR MELON D'AUBIER

 

 

 

 

 

 

BIN MI, EUCH' SE PAS, HIN !

 

Quelle jouissance profonde pouvons-nous trouver dans une telle expression ?

" Bin mi, euch'sé pas, hin ! "

Et, pourtant ! L'homme, car il s'agit d'un homme, l'employait à toutes heures du jour.

Il devait en éprouver une voluptuosité intense à sa prononciation. Son air sympathiquement souriant et l'incrédulité de sa réponse faisait de lui un personnage hors du commun. Un être hétéroclite qui entrerait dans la légende.

J'ai tué ce personnage.

Pourquoi ?

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Je l'ignore encore. Etait-ce parce qu'il se sentait plus heureux, plus libre dans ses pensées, que les gens qu'il côtoyait

Non ! Je ne pense pas ou plutôt, je ne sais pas, moi !

Mais le sentiment, ce plaisir intense en l'intérieur de lui-même, qu'il devait éprouver, je ne l'ai compris que plus tard.

Il était trop tard !

Revenons quelques mois plus tôt.

Il s'appelle Victor, et exerce la profession de poissonnier. Derrière son étal, il se trouve en contact avec nombre de gens de conditions différentes.

Il possède un vocabulaire appauvri qui fait tout son charme :

<< - Euch'ta qui l'tour ? >>

<< - Et aveuc'cha ? >>

<< - Inn'a pou 23 francs. Ché tou ? >>

Il ne parlait jamais de lui, de sa famille, de la pluie et du beau temps.

Lorsqu'on le questionne sur son poisson, la réponse est quasi rituelle :

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<< - Il est frais, votre poisson ? >>

<< - Bin, ouais ! Hin ! Sas'vot pas ! >>

<< - Il a été pêché quand ? >>

<< - Bin mi, euch'sé pas, hin ! " dit-il dans un haussement d'épaules ", in'm'la am'né eus'matin ! >>

Et cela, dix, vingt fois par jour que la semaine fait.

La première fois qu'il m'a été donné de l'entendre, je l'écoutais sans m'y être intéressé.

La deuxième fois, j'appréhendais la question, et je vis des regards souriants, d'autres détournés pour rire en catimini.

Et lui, imperturbable, continuait le jeu des questions réponses.

Je pris un malin plaisir à venir à son étal. Je variais l'heure de mes visites et constatais toujours les mêmes propos et sourires complices.

A quel moment ai-je décidé de tuer cette volupté de propos qu'il lui appartenait en propre ? Je ne le sais pas ! Moi !

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A suivre